Restrictions et visibilité

Depuis que la collectivité a troqué son blason contre un logo[1], l’esprit d’entreprise coule dans ses veines. Et avec lui des objectifs de rentabilité et de compétitivité. On assiste alors à une mutation complète de toute la chaîne : le service public transformé en prestation de service, les publics devenus consommateurs de cultures à fidéliser. Comme toute entreprise, la collectivité doit être visible dans le paysage (aux yeux du corps électoral, de la « concurrence », de la presse…), imposer sa marque, et davantage en temps de crise.

Pour ce faire, elle renforce ses exigences quant à la présence de son logo et de mentions variées sur les supports de communication des structures de création et de diffusion[2], alors même qu’elle abaisse drastiquement ses subventions : « Montrez davantage que je vous soutiens, même si je vous soutiens beaucoup moins ». Le cynisme de la publicité au service des collectivités.

Une telle campagne de marketing, à destination des publics, est fondée sur l’amplification de certaines données (on verse des subventions) et le « muselage » de certaines autres (on baisse ces subventions). En affirmant de la sorte son soutien inconditionnel à la création artistique, la collectivité met en place une propagande qui dément les dires des acteurs du secteur en lutte, en neutralise les actions et en « délégitimise » les revendications, auprès des publics.

Or, si les subventions publiques dédiées aux structures artistiques s’amenuisent, la logique voudrait que la visibilité des collectivités subisse une baisse proportionnelle sur les supports de communication de ces structures. En d’autres termes, affiches, dossiers de diffusion, programmes, flyers ou autres sites internet pourraient devenir le théâtre d’une grève (partielle) des logos.

[1] Lire à ce propos : Annick Lantenois, Le Vertige du Funambule, B42 Editions, 2010.

[2] Lire à ce propos : Malte Martin, La privatisation du regard, 2009, http://www.alliance-francaise-des-designers.org/blog/2009/12/03/Parole-ouverte-La-privatisation-du-regard.html.

par Hugo Roussel, le 09 septembre 2015.